
De retour à Montréal. Je suis complètement lessivé. Avec une charge de rage comme je n'en ai eu depuis longtemps. ca hurle, ça hurle tellement fort dans ma tête.

Je me suis battu contre mes habituels démons, tout en subissant les divers courants de haine, de mépris, de rancoeur, colère aveugle et hurlements familiaux. je me suis efforcé à avancer dans la conception de ma boutique qui passait par des questions et des questions... L'angoisse de ne pas trouver de boulot aussi, ni en France, ni au Québec. J'ai découvert enfin le nom d'une vieille ennemie qui me pourrit la vie depuis tant d'année : Phobie sociale. Et le book qui m'ofre autant de plaisir que de terreur. Une fois terminé, je le trouve ridicule, scolaire, un vrai suicide professionnel. J'ai dessiné pourtant, quasiment tous les soirs jusqu'à quatre heure du matin, voir parfois toute la nuit, j'ai pondu mes dessins quand je ne retournais pas travailler ma boutique ou envoyer en vain de nouveaux cv. Je me sens essorré, tiré dans plusieurs directions à la fois. Et je deviens liquide, perdant peu à peu ma résistance.

J'ai ressenti la bête de nouveau bouger en moi, le dragon hérité du paternel qui me rend capable des pires insultes. Quand je pense qu'autour de moi tout le monde me trouve gentil. Mais je suis issu d'un clan stupide érigé sur la jalousie, le mépris d'autrui, le jugement inplacable et tout serrant mille chapelets, incapable de pardon. Non, il vaut mieux se nourrir des vieilles rancoeurs et en nourrir nos petits. Et ne jamais oublier d'envoyer des piques, des mesquineries, de quoi abattre l'ennemi pour mieux le piétiner encore vivant. Mais qui est l'ennemi ? Le frère, la mère, le fils ? Et cela ne gêne personne ? Je ne veux pas de cette haîne, j'ai marché pendant des heures pour l'évacuer, un soir, mais en digne héritier de dragons, je ne m'en débarasserai jamais. J'en ai chialé de cette haîne, putain.
J'aurais voulu hurler, à Bordeaux. Mais on ne hurle pas comme ça dans la Belle Endormie, cité de vieilles bourgeoisies et de snobinards tous brandissant haut leur savante culture d'intelectuaaaeels. Eh oui, Bordeaux "cité universitaire" ; ça si on ne le sait pas encore...
Et l'autre connard qui s'y met, alors que l'opportunité tant attendue arrive, que l'ennemie enfin reconnue peut-être combattue, l'autre merde qui me fout sans raison valable des bâtons dans les roues, du haut de son minabilisme qui lui sert de trône de pute.
Vous voyez, je vous l'avez dit, la haîne. C'est si facile.
Je pense avec inquiétude aux rares dans ma famille qui ont été jusque là épargnés par cette rage, une vraie malédiction dont j'ignore si elle est innée ou acquise.
Mais là où d'autres frapperaient ou se flingueraient, sur ce coup, je demeure chanceux : toute cette boue dans la tête, toute cette monstruosité hurlante, je peux la dessiner, je peux m'en débarasser à coup de crayon, de feutre de gomme, de pixels, même.
Voilà pourquoi, de Bordeaux, je ne sors que peu de joyeux dessins, mais surtout des cauchemars, des bêtes sauvages hurlantes, de l'humour maccabre. Mes illustrations vous inquiètent ? Moi au contraire elle me rassure. C'est comme regarder une bassine pleine de mauvaise bile dont on a pu se vider. Oui, tout le monde n'a pas cette chance, j'en suis bien conscient.
Me voilà donc, épuisé, à bout de force, mais guéri pour un temps. Au final, quelques espoirs ont pointé le bout de leur nez. Je vais m'y accrocher, on sait jamais...
